Thomas Meur et Thierry Lebreton sont deux passionnés de patrimoine avec qui on prendrait bien la route pour (re)découvrir Maurice avec émerveillement. Le premier a créé The Marengo Foundation, un one-stop-shop dévoué à la restauration du patrimoine mauricien, alors que le second fait partie des membres fondateurs de SOS Patrimoine, une association créée en 2006 pour conscientiser les Mauriciens sur la richesse patrimoniale de l’île. Ils nous donnent quelques raisons de nous intéresser à la question! Pourquoi écouter les vieilles pierres ? Un vieux bâtiment est une porte ouverte sur l’histoire du pays : il permet d’identifier des évolutions architecturales, de découvrir d’anciennes techniques pour former les architectes et les artisans de demain, mais aussi de mettre en lumière la richesse et la mixité culturelles qui sont propres à Maurice. Un pigment trouvé dans un mur peut nous éclairer sur les échanges commerciaux qu’a pu entretenir l’île avec d’autres pays! C’est donc « la trace de la mémoire sur le territoire, dit Thierry. C’est ce qui permet aux Mauriciens de se sentir chez eux ici plutôt qu’ailleurs ». Mais le patrimoine, ce n’est pas seulement le bâti ajoute Thomas (co-auteur du beau livre "Mauriciens d'ici et d'ailleurs") : pensons au patrimoine naturel (les paysages), au mobilier (les meubles anciens), aux savoir-faire et aux traditions (comptines, artisanat). Cet ensemble a contribué à la construction d’une identité proprement mauricienne, que revendiquent de nombreux jeunes aujourd’hui. Tous deux sont d’accord : l’intérêt pour le patrimoine est exponentiel chez les moins de 40 ans à Maurice. Pour Thomas, « contrairement à ce qu’on dit parfois, un patrimoine bien géré rapporte plus qu’il ne coûte ; mais, surtout, la préservation du patrimoine a des bénéfices intangibles inestimables : la paix sociale et la compréhension mutuelle. Et puis, il est important de préserver le patrimoine pour une raison simple… sa beauté ! » On préfère tous flâner dans une rue préservée de Mahébourg que dans la Cybercité, non ? Que peut le gouvernement ? En juillet dernier, Pravind Jugnauth justifiait l’amendement au National Heritage Fund Act avec un argument monétaire qui ne tient pas la route. Ce n’est pas raisonnable, disait-il, que l’État dépense 300 millions de roupies pour la restauration d’un bâtiment qui n’a pas l’importance iconique du Plaza ou du Théâtre de Port-Louis. « Le PM ne maîtrise visiblement pas le modèle économique associé au patrimoine, maintient Thierry. Il voit celui-ci sous l’angle du coût sans mesurer sa profitabilité ». Rappelons que la culture et le patrimoine ont un effet multiplicateur sur l’investissement. Thomas précise qu’en France par exemple, chaque euro investi dans un bâtiment historique en rapporte 27 à l’État français ! Mais on ne pourra pas sauver le patrimoine sans le soutien de l’État mauricien. Alors, que pourrions-nous recommander au gouvernement ? (Pravind, si tu nous écoutes!) Tout d’abord, l’État doit apporter un soin particulier aux bâtiments historiques qui lui appartiennent. Il faudrait classer ceux qui ne le sont pas encore, puis s’entourer d’experts – idéalement d’un architecte des bâtiments historiques ou d’experts indépendants – pour faire un relevé précis de chaque bâtiment et établir une stratégie de restauration en fonction de son importance pour le patrimoine mauricien. Distinguons « restauration » et « rénovation ». Alors qu’une restauration a pour mission de maintenir le bâtiment dans son dernier état historique légitime, une rénovation autorise la modification du bâtiment et c’est souvent ce qui se passe à Maurice : on se retrouve avec une coque stérile dépourvue de ses éléments d’origine (portes, plancher, volets), remplacés par du Made in China. Gare à l’idée qu’il faut seulement « met li prop », ce qui correspond à un simple ravalement de façade! Que peuvent les propriétaires ? L’argument économique est souvent l’excuse donnée par des propriétaires qui, en réalité, sont victimes de pressions familiales ou tentés par les promesses financières du marché immobilier. Mais une fois détruit, un bâtiment renaît difficilement de ses cendres, et avec lui s’éteint le travail fourni par ceux qui l’ont construit et l’âme des Mauriciens qui l’ont occupé. Il est donc urgent de changer de perspective et d’adopter une vision sur le long-terme. Les propriétaires peuvent aujourd’hui consulter des experts (comme Thierry et Thomas!) afin de restaurer leur patrimoine et d’assurer sa profitabilité. Que peuvent les citoyens ? « Ouvrez vos yeux au Beau, et ouvrez-vos yeux à Maurice », préconise Thomas. Il reste encore des lieux à découvrir en dehors de la plage et de Bagatelle ! Il faut cultiver une curiosité et une soif de découverte ; et plus concrètement, arrêter d’acheter des pierres de taille car cela perpétue le dépouillement illégal de sites historiques à travers l’île. Enfin, si vous avez du temps ou de l’argent, partagez-les avec les associations qui se sont engagées pour la préservation du patrimoine! Allez + loin avec : SOS Patrimoine / National Heritage Fund / Histoires Mauriciennes et contactez The Marengo Foundation sur themarengofoundation@gmail.com
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