Musique | News / Publié le 09 Février 2018 |
Richard Beaugendre: “Il serait temps de se réveiller, non?”
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L’auteur-compositeur-interprète mauricien, Richard Beaugendre, est le poète de la musique mauricienne. Avec Yapana, son sixième album sorti fin janvier 2018, il nous emporte dans un voyage musical enivrant, doux, subtil, poétique. Des textes magnifiquement écrits, une musicalité aux frontières du jazz et de la musique mauricienne, des messages forts. Forcément, on a voulu en savoir plus. Richard Beaugendre raconte. Richard Beaugendre, pourquoi choisir la plante Yapana comme titre de l'album? C’est une référence à la nature et à la pharmacopée de mon île. Tous les Mauriciens connaissent cette plante magique que l’on trouve dans les jardins créoles dignes de ce nom. On l'appelle aussi 'la tisane miracle', c'est dire combien sont infinies les vertus qu'on lui attribue. Sa tisane, connue pour soigner les indigestions, est très agréable au goût et a des vertus cicatrisantes. On ne prend aucun risque avec elle car toutes les parties sont comestibles. Et c'est aussi une aventurière qui a fait un long voyage pour arriver chez nous, puisqu'elle serait originaire d'Amérique du Sud. Tous les problèmes qui gangrènent l'île Maurice m'ont inévitablement fait penser à tous les maux que soigne cette jolie plante. L'association d'idées s'est faite tout naturellement au fur et à mesure que j'écrivais les textes. Je suis devenu, malgré moi, une sorte d'herboriste qui cherchait la bonne posologie, le bon dosage, sans violence ni provocation. J'ai travaillé mes textes dans cette idée en sirotant mon yapana sur ma terrasse. Les textes de mon album parlent de la politique corrompue, des problèmes sociaux et culturels qui sont un fléau dans notre île, des dommages collatéraux, résultant de la consommation de drogue, d'alcool, des problèmes familiaux et sentimentaux que cela provoque inévitablement... Dans 'Yapana' les chansons sont très engagées sans jamais rentrer dans la provocation. Je souhaiterais léguer une terre et un pays avec des valeurs humanistes, où mes enfants pourraient vivre harmonieusement. J'aimerais que les obstacles ne les poussent pas au désespoir, que chaque être humain, chaque Mauricien, soit à l'écoute de son cœur et que le taux de suicide, de consommation de drogue, d'alcoolisme ... baisse dans notre île. Je ne sais pas si mon message sera compris... mais je souhaite que l’on fasse davantage attention aux choses essentielles, à l'humain, plutôt que de toujours mettre en avant le profit, l'argent. Mon titre, Yapana, est un appel à la tolérance et à la prise de conscience, d'abord pour moi. Peut-être est-ce aussi une façon d'exorciser ma propre impuissance à faire changer les choses. Le premier titre de l'album est Pez Take, c'est une expression intraduisible littéralement qui veut dire, au bout du rouleau. Un état de désespoir total sans autre issue que le suicide. J'aimerais que chacun se sente concerné par ce qui se passe chez nous. Richard Beaugendre est-il plus un chanteur militant ou un poète de la musique mauricienne? Les deux non? L'idée est séduisante...(rire) Plus sérieusement, personne ne peut rester indifférent à ce qui se passe dans le monde et par conséquent dans notre pays . A vrai dire, je n'ai pas choisi de m'engager. Cela ne s'est pas fait comme ça! Un beau jour je ne me suis pas réveillé en me disant que j'allais être un chanteur militant. Je pense que c'est ma sensibilité d'être humain comme tout le monde. Moi, j'exprime mes émotions avec mes chansons. Je tente de tisser des liens d'humanité à ma façon. Mes chansons ont également, je pense, un effet cathartique apaisant sur le mal-être que je peux ressentir parfois. Peut-être que c'est très égoïste au fond et que je me libère ainsi du malaise que je ressens face à tous ces problèmes sociétaux? L'alcool, la drogue, sont des fléaux qui amènent la misère, la violence. J'ai des enfants, je ne peux pas rester indifférent quand je vois des jeunes désorientés, sans espoir... L'environnement également me tient à cœur. Quel monde laisserons nous à nos enfants si nous continuons à détruire la terre? Nous sommes les jardiniers de notre planète. Il faut en prendre soin, chacun à notre niveau. On court à la catastrophe mais on continue... Il serait temps de se réveiller non? L'alcoolisme, la consommation de drogues dures, la pollution, la corruption, tous ces fléaux m’interpellent, me touchent et j'essaie, à mon niveau, d'agir. Le besoin de faire quelque chose dépend de chacun. Personnellement, je ne pourrai pas vivre bien si je restais les bras croisés sans rien faire pour l'autre. Demain, cette personne pourrait être moi ou quelqu'un de proche... Les événements de la vie sont imprévisibles, nul n'est à l'abri... Je ne peux pas regarder mon pays sombrer sans me sentir concerné. Alors si ce que je ressens est de l'engagement, je suis un chanteur engagé. Je pense qu'il n'existe pas d'artiste non engagé. Allez + loin: Ecoutez 'Kado Lavi' de Richard Beaugendre |
Victor GENESTAR
- Requiem for a Dream
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